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Connu sous le pseudonyme de Louis de Lyvron (nom de jeune fille de sa mère), poète parnassien, parolier pour Augusta Holmès et romancier, il publia plus tard sous nom civil. Il fut ce que l'on appelait un "lettré" qui participa activement à la vie littéraire de la deuxième moitié du 19e siècle. Grâce à un article d'Anatole France, dont il fut un ami, on apprend quelques détails savoureux sur l'homme, militaire retraité devenu chantre des proses décadentes.
J’ai connu, il est vrai, un brave capitaine de spahis, très aimé de ses camarades et fort estimé de ses chefs, qui écrivait pendant ses loisirs de garnison, voici vingt ans, des opuscules d’un style élégant mais obscur, véritable prototypes des « proses décadentes » dont on fait quelque bruit à cette heure. Ceux qui ont lu un certain Vercingétorix publié discrètement, en 1868, chez Alphonse Lemerre seront surpris, comme moi, que M. Louis de Lyvron ne soit pas tenu, dans la nouvelle école, pour un précurseur et pour un maître. Ce Louis de Lyvron était, sous son nom véritable, un excellent cavalier de bonne mine et jovial. Je le vois encore, quand, le visage tout enflammé du soleil de l’Afrique, il accourait, heureux, dans la boutique du passage de Choiseul, où s’assemblaient les parnassiens. Quelle joie brillait alors dans son gros œil bleu de poète ! Il passa commandant et fut retraité, je crois, peu de temps avant la guerre. Regrettant de n’avoir point, depuis longtemps, de ses nouvelles, je me plais à l’imaginer aujourd’hui dans quelque paisible domaine, sous de beaux arbres, fumant des cigares en méditant des poèmes inintelligibles mais beaux. Ses livres, qu’il m’envoyait gracieusement, étaient de plus en plus « abscons », comme on dit aujourd’hui. Mais il n’avait pas trouvé du premier coup, je dois le dire, le style ésotérique. Je me rappelle avoir lu de lui un petit recueil de poèmes en prose intitulé Cheiks et Burnous [ ?], qu’il méprisa beaucoup par la suite. Ces petits poèmes étaient tous intelligibles et il y en avait d’admirables. Un de ceux-là, que je n’ai jamais oublié et qui m’est revenu à la mémoire avec une vivacité nouvelle lors de l’affaire Chambige, est un poème d’amour, le poème d’un jeune Arabe, ivre de joie, parce qu’il est ivre de vie. Il est des êtres simples en qui la vie est joie. Tel est celui-là. Il a un beau fusil, un beau cheval et une belle femme, et il ne désire plus rien, car il possède la plénitude des biens dont un être jeune et robuste puisse jouir au désert. Il goûte un contentement infini. Fou de joie, il met son fusil en bandoulière, saute sur son cheval, prend sa femme en croupe et se jette dans la mer. Ce barbare exquis voulut mourir en plein bonheur avec tout ce qu’il aimait.
- in « Un crime littéraire. L’affaire Chambige », article d’Anatole France, paru dans Le Temps, rubrique « Vie littéraire », 11 novembre 1888, p. 1
Reproduction partielle d'un article du blog Le phrénologiste, Histoire des sciences et criminalité http://m.renneville.free.fr/?p=154&cpage=1
N'hésitez pas à aller y faire un tour de lecture, c'est bien fait et intéressant.
C'est plus tard, que l'aimable soldat retraité fit paraître sous son nom officiel des articles, nouvelles et cette plaquette. C'est sous ce nom donc que nous nous intéresserons à cet auteur surprenant pour un recueil de contes fantastiques qui frôla la trappe de l'histoire et l'évita, par la grâce d'une conjonction de la chance, en s'exposant sur le pavé du Nord de la France, au petit matin ensoleillé d'un dimanche d'avril, où cheminait un homme qui m'est cher.
Jugez-en!
Contes Du Nord, par A. De L'Estoille
L. Sauvaitre, 1892, 182 p., tiré à 200 exemplaires
Sommaire :
- Attila, conte danois p.1-33
- Argentine, conte norvégien p.35-139
- Lemmi Kainen, le joyeux chasseur, conte finlandais p.141-182
Je n'ai trouvé qu'une seule mention de ce recueil rare mais c'est une jolie mention.
M. de l'Estoille, dont la plume originale et distinguée est si appréciée de tous les lettrés, vient de faire paraître, sous le titre de Contes du Nord, trois charmantes nouvelles où l'on retrouve l'aimable fantaisie et le sens profondément poétique qui ont fait le succès de ses précédents ouvrages. Ce qui ne gâte rien, c'est que les Contes du Nord forment une ravissante plaquette due aux presses artistiques de D. Jouaist.
in Les Livres en 1892, Études Critiques et Analytiques, par Gaston d'Hailly, A. Le Clère et Henri Litou, Tome XXIII, Janvier-Juin 1892, Revue des Livres Nouveaux, 1er juillet 1892, p. 333 - Librairie H. Le Soudier
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5 … f319.image
Ravissante plaquette, elle ne paye pas de mine pourtant avec sa couverture broché pratiquement muette. Cependant, ce sont les pages titres qui révèlent l'attrait qu'elles ont exercées sur le critique, un beau papier blanc avec des effets de couleurs et de frises sans oublier les culs-de-lampe et les lettrines.
Les deux nouvelles et le court roman sont bien des contes fantastiques, peuplées de fées, de fous, de magie et de la Mort.
C'est un très grand plaisir de tenir en main ce volume ancien et confidentiel, en bon état pour ne rien gâcher, sauvé des eaux comme Boudu... quoique j'espère avoir l'esprit moins étroit que le libraire libéral de Renoir!
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