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« LA MACHINE A PARCOURIR L’ABSURDE »
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« Tournons les maniWells !
La métaphysique est la forme
Sereine de l’aliénation mentale. »
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Du bout de son doigt vert, le nain boîteux désigna sur la machine une barre graduée, dont l’extrémité libre était comme rongée :
Il reste pour neuf cents ans de voyage, siffla-t-il d’une voix aigre et fluette.
Il disparut : un flacon de fumée fila, comme happé, par le trou de la serrure.
Scipion Lacougourde demeura plus épouvanté encore qu’abasourdi : c’est à lui qui arrivait cette aventure miraculeuse, à lui qui, depuis dix-sept ans, enseignait aux cancres de l’institution Ponteaux-Zannes (Marseille), une philosophie usagée, terre à terre et bachotique ? Allons donc, pas possible ! Et il avança la main vers l’appareil.
Le froid de l’acier, honnête et naturel, le convainquit et le rassura. Il regarda de plus près :
La machine se composait d’une sorte de bâti extrêmement ténu, extrêmement irrégulier, et dont toutes les pièces affectaient des courbures différentes et baroques. A hauteur d’appui, d’une boîte encore plus biscornue sortaient un levier gainé de soie et la barre graduée.
Ce cadre fragile et grotesque, c’était vraiment la machine à explorer le temps ? « Quelle bonne blague ! Nous allons bien voir ! », se dit Lacourgoude. Il entra dans le bâti, mit ses pieds sur une plate-forme en ébonite toute gauchie, qui semblait là pour ça, et empoignant le levier, il le poussa vers la gauche, où on lisait le mot : « Passé ».
Il ne vit plus autour de lui qu’un brouillard diaphane, traversé de fulgurations. Le philosophe eut la frousse comme un homme, et bien vite, il remit le levier sur zéro.
Mais, instantanément, il se sentit noyé dans une substance gluante, pâteuse, qui lui collait les yeux, lui obturait les narines, lui scellait la bouche. Il étouffait. En se débattant il poussa le levier, et se sentit immédiatement délivré. Il eut le temps d’apercevoir une immense cuve, autour de laquelle des hommes baissaient vers la terre des bras stupéfaits :
Soixante-dix ans avant le départ de Scipion, il y avait à l’endroit où reposait la machine, une grande sucrerie : Lacougourde s’était arrêté dans le volume d’une cuve de mélasse.
-« Sacrebleu, pensa-t-il, cette fois, si je m‘arrête dans un bloc de pierre, je suis réduit en vapeur ! ». Il hésita ; puis la curiosité fut la plus forte : il accéléra la marche (le brouillard devint plus uniforme), puis mit résolument le levier sur zéro…
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Il se trouvait dans une ruelle, devant une porte cochère, à l’entrée d’une avenue pavoisée. Un riche cortège passait devant une foule agenouillée, silencieuse. Remisant la machine dans le porche, le voyageur courut se mettre au premier rang. Bientôt, des voix commencèrent à chuchoter avec une prononciation bizarre : « Le Rrouè ! Vouéci le Rrouè ! »
Le roi Louis, à pied, une immense canne à la main, visitait sa bonne ville de Marseille. La perruque lionneuse ne l’empêchait pas d’avoir l’air d’un dindon. Lacougourde, amusé, le regarda bien en face, et reçut aussitôt un coup de plat de sabre, en même temps un policier irrité lui criait tout bas :
« Marraud, qui regarde le Rrouè en face ! »
Lacougourde était républicain. Son sang ne fit qu’un tour. Bousculant la plèbe, il bondit jusqu’au porche, enleva sa machine à bout de bras, revint, et se mit à courir le long du cortège. Il avait l’air si étrange avec , avec ce grands cadre à la main, que le roi s’arrêta. Scipion planta la machine juste devant lui, entra dans le bâti, et cria de toute sa force :
-« Le Rrouè est un veau ! Le Rrouè est un sous-pied ! Un saligaud ! Conspué, le Rrouè ! Vive Millerand !
Tous les yeux étaient ronds comme des écus. Scipion tourna vite le levier vers la droite. Le brouillard l’enveloppa.
« - J’en ai soupé. Je rentre à mon époque. »
Il calcula de son mieux les durées, mit le levier sur zéro, se retrouva près de chez lui, et rentra.
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« -Ouf ! dit-il satisfait. Mais aussitôt il s’aperçut que sa chambre était drôlement aménagée. A la place de son grand lit, par exemple, il y avait un petit lit de fer. Et, dans un coin, un garçonner faisait ses devoirs. Courbé sur une table que Scipion avait vendue dix ans auparavant.
« -Qui diable est ce mioche ? Dit-il »
Le gamin se retourna et se mit à pousser des cris.
« -Ah !, bien, c’est moi ! dit Lacougourde.
C’était lui-même en effet, à douze ans. Il s’était trompé d’une quarantaine d’années : il dit bêtement :
« - N’aie pas peur, c’est moi Scipion ; moi, toi… »
L’embarras de Sosie lui revint en mémoire, et il pensa que les langues humaines sont pauvres.
Le gamin bégayait de frayeur :
« -Ma-ma-maman ! »
Scipion marmotta :
« - Est-il bête d’avoir peur de moi, qui suis lui ! »
Cette phrase aussi parut ma l faite à son esprit philosophique. Mais il trouva aussitôt une expression meilleure : il convint avec lui-même de représenter Scipion par le symbole S et le nombre d’années par un indice. Avec reproche, il articula :
« - S. indice 12, est bête d’avoir peur de S. indice cinquante-deux ! »
A ce moment sa mère entre. Emu aux larmes, il s’approcha les bras tendus, criant :
« - Ma petite maman chérie ! »
« - Au secours ! « cria madame Lacougourde, et elle s’évanouit.
L’enfant glapissait sous la table.
« - Ma pauvre madame » ! Sanglotta Mireille, entrant à la course, et s’agenouillant devant sa maitresse inanimée.
« - Mireille, ma bonne Mireille, ne me connaissez-vous pas ? », s’écria Scipion, tremblant, éperdu.
Et, prenant dans ses bras l’enfant inerte de frayeur : « Voyez comme je me ressemble ! Je suis S. Indice 52 »
« - Lâche cet enfant et haut les mains, où je te brûle » ! gronda une voix terrible. Un homme d’une quarantaine d’années venait d’apparaître, l’air furieux, un pistolet à la main.
« -Papa, cria Scipion indice 52. C’est moi… C’est nous…. Nous suis tes fils unique…. Ah, zut… Je sommes ton deux enfants… ! Sacré nom d’un chien !.... indice 12… Indice 52 ! »
« -Nom de Dieu, c’est un fou » !, dit le père, « Mireille, filez !... Vite emportez madame, emmener le petit ! »
« - Mais papa, voyons, écoute-moi un peu » ! dit Scipion s’avançant. La machine que le nain boiteux….
Le père leva son pistolet…
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« - Allong, mong Scipiong, lève-toi, que c’est tard et tu seras en retard pour la classe !
Scipion ouvrit les yeux, aperçut la bonne face ronde de sa femme, et dit d’un air égaré : « -Indice 52 »
« - Té !, Encore tu rêves, péchère ! C’était un cochemar, que tu boulègais comme une mounine ? Mais bouffre, ça va être vuit heures !
………
Ce matin-là, devant ses disciples ahuris, le tranquille Scipion engueulait Kant comme du poisson pas frais.
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Cette nouvelle est extraite du rare recueil de Louis ROUSSEL : « LE LIVRE DE CONTES ». Grand in-12° de 132 pages. Couverture illustrée de couleur rouge. Ce volume a été imprimé en 1922 aux éditions du Progrès à Athènes ( mais, à mon avis il aurait été imprimé au Lesotho ou au Zoulouland, que rien ne serait changé).
L’exemplaire que j’ai entre les mains porte un envoi de l’auteur : « - De ma cellule – Juillet 1923 – Athènes – Hospice des fous – Roussel Louis »
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Il faut dire que l’auteur mériterait vraiment d’être interné, voici le début de sa nouvelle : « LE PASTOUR », (récit à moteur alternatif)
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« Le pastour, tirant des sonorités emphytéotiques de son mirliton à 5 clés, conduisait son troupeau de blancs onyxis vers la montagne. Sur leurs pattes, peut-être un peu rares, les bonnes bêtes se hâtaient, impatientes de brouter là-haut, dans un air plus pur, le gramen onctueux, l’assa fétida réconfortante, et le spaghetti parfumé…. »
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Dans : « LOUFTINGSKOFF », le célèbre auteur du XVIIIème siècle CREBILLON à droit à une fausse citation en exergue du texte : « C’est en forgeant qu’on devient pâtissier, mais on nait vidangeur »
Le texte en lui-même est du délire du plus total :
« Ma vie est
une obscène petite demi-soupière
de confettis sans pédalier
partiellement quadrupède
avec un œil au bout-out-u-t
Je t’assure
Que tu n’as pas envie d’aller
Aux cabinets pieds me regardent
Depuis le commencement d’avril trolley
De se taire à cause du froid
Depuis qu’elle c-
Ouche dans la boîte
D’allumette, l’autre concierge
Ne peut plus avoir tous l-
Es orteils verts à ch-
Aque fête d’obligation ah !.......... etc
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Dans « PRECOCITE », il est question du célèbre auteur BOURLELUY à qui l’on doit le fameux Mémoire : « L’ELECTRICITE DANS L’ILLIADE »
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Pour le bonheur du lecteur Roussel doit vraiment être un fou furieux. Ce recueil contient même un texte sur le Tunnel sous la Manche. Certains textes comme la nouvelle plus haut sont parfaitement lisibles, d’autres par contre sont totalement ésotériques et frôlent le lettrisme de Isidore ISOU. Certains textes ne veulent probablement rien dire et c’est tant mieux. Le texte « LE PASTOUR » me fait un peu penser à la B. D. « Le Génie des Alpages » de F’MURR.
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Tous les textes de ce recueil sont parus en préoriginales dans « LE MESSAGER D’ATHENES » et « LE PROGRES D’ATHENES », revues Grecques paraissant en langue française. C’est écrit dedans, mais ce n'est pas obligatoirement vrai. Bon ! ce recueil existe vraiment et ce n’est pas un poisson d’avril de ma part. Isma
Dernière modification par Ismaël II (23-04-2011 21:48:24)
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